Portrait du mois : Olivier JAUDOIN, le plus brésilien des arboristes grimpeurs.

Olivier Jaudoin

Elagueur

Portrait de Olivier Jaudoin

Mon histoire avec la forêt a commencé avec mon oncle bûcheron dans la Creuse avec qui je passais mes vacances d’été.
En 1987, je suis rentré à l’ONF dans l’Aube en tant qu’apprenti sylvicole. Le travail était intéressant mais je me suis vite rendu compte que passer ma vie dans une seule et unique forêt n’était pas pour moi.
C’est à l’ONF que j’ai entendu parler pour la première fois de grimpeurs d’arbres professionnels, les ouvriers m’ont dit « la semaine prochaine, y a les écureuils qui arrivent… ». Les écureuils, c’étaient en fait les éhoupeurs, j’ai tout de suite été fasciné par ce métier.
En 1988, je rentre dans une école de bûcheronnage dans les Ardennes durant 6 mois où les coupes rases à blanc ne me convenaient pas vraiment ainsi que le climat !
En 1989, j’essaye mon premier Harnais KOMET avec une longe REGLEX, un rappel en corde toronnée de 14 mn monté lui aussi avec un REGLEX (!) et des griffes aux pieds pour grimper sur des pins en bord de route et passer le câble du tire-fort.
En 1991, J’obtiens mon CAP bucheron à Neuvic en Corrèze.
C’est alors que j’ai entendu parler pour la première fois de « taille douce » par des collègues élagueurs à Paris où on grimpe sans griffe aux pieds et dans le respect de l’arbre…
Fin 1991, je suis stagiaire dans une grande entreprise d’élagage parisienne à tailler des platanes en rideau à Versailles et au cimetière de Boulogne sur une échelle à roulettes avec un croissant. Pas vraiment ce que j’espérais !!!!
En 1992, je passe mon contrat de qualification avec Forêt future dans le Var et m’inscris au CS taille et soins aux arbres au CFPF à Châteauneuf du Rhône. Le CFPF ! Maitre Roland Vidal et Franck Delattre avec l’initiation au Prussik.
Le CS en poche, je travaille de Marseille à Nice et de Toulon à Lyon en élagage et en travaux acrobatiques.
En 1997, je me mets à mon compte en Creuse en créant mon entreprise : La Forêt d’émeraude (Le film)
A 13 ans, quand j’ai vu le film « la Forêt d’émeraude », j’ai su qu’un jour j’irais là bas ! Quand, comment ? Aucune idée …  j’ai toujours été fasciné par l’Amazonie et ses fleuves.
En juin 1998, je prends un billet d’avion et pars seul pour le Brésil. J’arrive en pleine Coupe du monde de foot ; ce qui ne m’intéresse absolument pas ! Le brésil est parfaitement paralysé et mon voyage est un peu plus compliqué que prévu.
Mon rêve, c’est de remonter le fleuve Amazone jusqu’à Manaus » et de grimper dans la canopée amazonienne…
Une fois à Manaus, je rencontre une famille de caboclos dont le père est bûcheron et je pars avec eux dans leur village à 50 km sur les berges du Rio Negro. Le genre de bûcheronnage pratiqué est inédit pour moi : on rentre en forêt avec une tronçonneuse et on ressort avec des planches qui sont ensuite utilisées pour la construction de maisons sur pilotis dans les villages caboclo.
En 2000, retour en Amazonie, pour cette fois … aller grimper ! La première grimpe fut incroyable je n’avais aucune idée de ce que j’allais trouver là-haut «je vais peut-être me faire bouffer par un truc inconnu », à chaque mètre, je découvrais des plantes, des insectes, des sons… C’était magique et mes premières appréhensions ont vite disparues ! J’étais enfin dans la Forêt d’émeraude !
En Amazonie, les arbres sont hauts, la technique SRT s’impose ! J’achète mon premier « Big shot » et j’utilise l’expérience acquise en travaux accro pour grimper sur corde statique 11mn avec une poignée Jumard et un Croll. Depuis ce jour, l’Amazonie ne m’a pas quitté et le projet Angelim commence à prendre racine en moi.
C’est en 2005 que je crée avec Nouï Baiben l’association Angelim pour organiser des formations de grimpe en forêt tropicale pour les techniciens forestiers de l’INPA et proposer une première expérience de travail avec des scientifiques pour des grimpeurs français. Nous organiserons 2 formations en 2006 et 2008 avec le soutien de HEVEA pour le matériel.
Dans la même année, le programme de conservation de l’aigle Harpie est lancé avec plus de 50 nids à prospecter aux 4 coins de l’Amazonie.
Pour protéger une espèce, il faut la connaître, les aigles Harpies sont difficiles à voir dans la nature et les nids se trouvent entre 30 et 45 mètres de hauteur et sont souvent difficiles d’accès. Donc, il n’y a pas d’autre solution que de grimper.
Ma mission est alors :
–    étudier le régime alimentaire de ces gros rapaces en collectant les restes des proies dans le nid.
–    capturer les aiglons au nid : biométrie, balise Argos, baguage.
–    Installer des caméras Traps pour la surveillance dans les nids .
–    Installer des plateformes d’observation pour les scientifiques, reporters et photographes (Cinéma « Amazonia » le film)
L’accès au nid d’un aigle Harpie n’est pas très compliqué en soi, mais arriver au pied de l’arbre peut parfois durer plusieurs jours : 1 jour en 4×4, 1 jour de bateau et 4 jours de marche sont souvent nécessaires. Je me déplace énormément en avion aussi ; je suis donc limité dans le matériel et obligé de voyager « léger ».
Durant l’accès au nid, le principal danger est le retour de l’aigle Harpie (appelé aussi l’aigle féroce). Il a des serres de 7cm, Il fait 2 mètres d’envergure pouvant aller jusqu’à 8 kg. Il est particulièrement agressif surtout si on s’approche de sa maison, et pire encore, si on essaye de lui prendre son petit.
Une fois dans le nid, l’autre problème c’est les fourmis et l’odeur ! Les fourmis sont attirées par les carcasses des proies qui sont parfois là depuis plusieurs semaines ! L’odeur est pestilentielle et vraiment très difficile à supporter ! L’objectif est de rester le moins de temps possible dans le nid.
Sur certains nids, le risque d’attaque est souvent trop élevée ; alors je décide de grimper de nuit car l’aigle Harpie est une espèce diurne et ne voit absolument rien dans le noir, grimper de nuit en Amazonie c’est vraiment une autre dimension !
J’ai aussi bossé pour Oxford en Guyane et au Pérou, grimpé en Colombie pour le projet de L’Aigle d’Isidore (Spizaetus isidori), capturé des condors en argentine, participé à IBISCA en auvergne … Je fais régulièrement des collectes botaniques, je commence un projet de collecte de noix du brésil (de la fleur au fruit) qui va durer 2 ans,….
Je suis aussi co-gérant d’Heliconia Amazônia Turismo qui propose des voyages en bateaux et lodges pour faire découvrir l’Amazonie d’aujourd’hui. Heliconia va proposer en 2016 des voyages dédiés à la grimpe et au grimpeur en forêt amazonienne ? Alors si vous êtes, comme moi, attirés inexorablement par la Forêt d’émeraude, on vous attend….

Plus d’infos sur Heliconia http://heliconia-amazon.com/
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