Portrait du mois : Les Frères Atger, 114 ans à eux deux et une passion inoxydable

Philippe et Pascal Atger

Gérants Atger arboristes

Portrait de Philippe et Pascal Atger

Ils ont 114 ans à eux deux. Ils sont originaires de Bourges. Ils sont dans le paysage arboricole depuis 34 ans et ont fêté leurs noces de cuivre en octobre dernier. Leur passion est inoxydable !.

Philippe est l’ainé, Pascal est le cadet. Ce sont les frères Atger.

C’est à Montélimar en 1981 au CFPF d’alors que le virus est rentré dans la famille, inoculé par Pierre Descombes, jeune directeur de centre de formation et un certain Daniel ( ?) mécano du centre et grimpeur d’arbres par passion (et besoin). Ils ont par leurs approches de l’arbre fait comprendre à Pascal, venu apprendre à gérer la Forêt, combien l’Arbre était important et fragile. Le CS n’existant pas, des chantiers-école plus ou moins improvisés ont permis l’incubation du virus.

A une époque où les tous premiers prémices d’un élagage moins traumatisant et plus respectueux de l’arbre faisaient leur apparition ; où l’on commençait à entendre parler d’angle de coupe et de compartimentation , de « tire-sève » et de réduction « à l’anglaise » Pascal a clairement su que sa voie n’était pas dans la forêt mais bien dans l’arbre d’ornement, celui qui dessine nos routes, arbore nos jardins et embellit nos villes.

Sûr de son fait et ne voulant pas travailler seul dans une région où la nacelle et le massacre à la tronçonneuse faisait foi, il proposa à Philippe, son frère aîné, de l’enrôler dans la bagarre sans savoir si le virus prendrait… Atger Frères était né !

Il n’aura pas fallu attendre bien longtemps pour se rendre compte que non seulement le virus avait pris, mais que nos deux compères-confrères-coéquipiers allaient s’engager dans une lutte sans merci contre les éhoupeurs de tous poils. Leur militantisme auprès de l’Association Pour l’Arbre (ancêtre de la SFA), de Séquoia et de l’AGAP (Association des Grimpeurs d’Arbres Professionnels) en témoigne.

Si la théorie est une belle chose, sa mise en pratique est fondamentale. Le hic à l’époque était qu’aucun moyen satisfaisant et sécuritaire ne permettait de grimper sans blesser l’arbre, de parcourir les frondaisons et visiter l’ensemble des houppiers et que les outils de coupe étaient lourds et mutilants. Ils ont donc fait pendant plusieurs années une « taille douce » qui se rapprocherait de ce que l’on nomme aujourd’hui de la taille de réduction sur tire-sève.

Imaginez un harnais de spéléo (spéciale brise-burnes) avec 2 cordes de 2,50 m avec mousquetons à vis (2 car sécurité oblige : ils étaient toujours attachés) et ajustées en faisant un ou deux tours de la branche suivant sa grosseur, une échelle, une paire de griffes et une tronçonneuse de type Alpina à 2 poignées (5,5 kg à bout de bras). Taille douce pour l’arbre mais dur pour l’homme !

Conscient de la limite imposée par le matériel, nos compères ont compris qu’un système de corde type alpinisme pourrait leur permettre d’évoluer en bout de branche. Alors pas compliqué : attachée dans le dos du harnais la corde « dynamique » passant dans une fourche au sommet de l’arbre (atteint grâce aux griffes) c’est le frangin qui, du sol, assurait la sécu et par des « donne du mou » ou « tend bon Dieu, tend qu’est-ce que tu fous » l’arbre pouvait enfin être traité avec un peu plus de douceur.

C’est un stagiaire de la première session de Fondettes (1986 ?) qui lors de son premier jour avec eux et les voyant œuvrer de la sorte dans de beaux platanes, leur demandant pourquoi ils n’utilisaient pas de prussik, qui a permis de révolutionner leur technique.

Restons calme ! il s’agissait alors de cordes en chanvre, certes moins dynamique que la corde d’alpinisme, voire carrément statique par temps de pluie, mais ils avaient, par cette autonomie, frôlé le bonheur parfait !

Il faudra attendre quelques années pendant lesquelles ils jetaient les griffes arrivés au sommet de l’arbre lorsqu’elles leurs étaient indispensables, avant d’apprécier et de maitriser le petit sac, le foot-lock et ensuite la fausse-fourche.

L’évolution économique de leur petite entreprise a été très lente mais progressive. Partis sans réelle ambition, si ce n’est celle du travail bien fait, c’est paradoxalement la graphiose qui décimant les ormes leur a permis une activité régulière durant les premières années et les a fait progresser techniquement. Au fils du temps leur discours sur le respect de l’arbre était de plus en plus écouté, et les p’tits rigolos qui travaillaient sans nacelle en refusant d’étêter les arbres ont fini par être pris au sérieux et faire des émules.

Malheureusement, plus de trente après ils doivent répéter inlassablement le même discours et entendre aussi que « si ce n’est pas moi se sera fait par un autre » !

Le NON systématique exprimé au client réclamant un travail non conforme à leur éthique, leur a non pas fait perdre une clientèle précieuse, mais assuré une crédibilité infaillible !

Aujourd’hui encore le nouveau matériel utilisé toujours plus performant permet un travail plus soigné et moins contraignant pour le grimpeur.

Il faut reconnaitre que cette évolution a été permise grâce à la volonté de Pierre Descombes qui dès les premiers CS a souhaité organiser une rencontre de grimpeurs, sous forme de championnat, afin que chacun, pour la plupart isolés dans leurs régions, puissent échanger sur les différentes problématiques rencontrées. Salarié, à-son-compte, employeur, formateur et fabricant de matériel, chacun a pu très vite permettre une évolution de cette profession naissante qu’était le grimpeur-élagueur.

Spectateur au début, Pascal et Philippe ont participé à leur premier championnat à Lyon en 1990 terminant respectivement 8 et 10ème .

Les liens tissés avec les centres de formation, les grimpeurs de toutes générations et de tous poils, l’activisme militant au sein des associations leurs ont permis de progresser techniquement et humainement. Les rencontres avec les scientifiques lors des colloques ont été riches d’enseignement de part et d’autres et tous ces pionniers ont permis à l’arboriculture ornementale française, grâce à tous ces échanges, de reprendre les gallons qu’elle avait perdus.

Ayant assuré la présidence de la SFA et de Séquoia ; participé et organisé de nombreux championnats, Pascal et Philippe ont également à cœur de partager et transmettre tout ce qu’ils ont appris et apprennent encore. Nombreux sont ceux qui de quelques jours à quelques années ont participés à ces échanges et de là est né Atger Arboristes associés.

Pascal & Philippe profitent de ces lignes pour remercier tous ceux qui les ont accompagnés et permis de progresser dans cette passion commune. Qu’ils soient grimpeurs, formateurs, chercheurs, gestionnaires ou experts, tous ont permis, à leur mesure, de façonner une profession qui n’existait pas et qui n’a de cesse d’évoluer.

Si la sève de l’arbre coule dans leurs veines, ils n’oublient pas que l’arbre de chacun fait le Paysage de tous.

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