Portrait du mois : Claude LE MAUT

Claude Le Maut

Elagueur

Portrait de Claude Le Maut

Ma relation avec les plantes commence très tôt dans ma vie puisque j’ai passé mon enfance dans la petite ferme dont s’occupaient mes parents.

Enfance simple et heureuse entre école, ferme, jeux dans la campagne et au bord de la mer, groupe de potes et handball (que j’ai pratiqué 15 ans).

Je suis né en 1958. Mon histoire familiale fait que je suis élevé avec l’idée qu’il faut réussir des études pour espérer une place dans le monde industriel. Les cibles sont les écoles d’ingénieurs.
Mon enfance a aussi été très marquée par l’engagement politique de mon père. Il était communiste. En 1974, j’ai 16 ans, je m’intéresse beaucoup à la campagne des élections présidentielles et je suis très impressionné par le discourt écologiste de René Dumont. La lecture de Thoreau, London, Kerouac, Giono et de bien d’autres m’éloigne du rêve du monde industriel.

En 1977, un bac E en poche, je commence pourtant des études de physique-chimie sans grande conviction. Je les arrêterai en 1979. Je veux du contact avec le vivant et je veux voyager.
Je trouve un travail de jardinier. En 1981, je fais une formation forestière dans les Pyrénées et lors d’un stage j’entends parler de récoltes de graines forestières, un travail saisonnier qui laisse donc du temps libre et qui est correctement payé.
En 1983 je fais ma première récolte pour « Forestar ». Un petit salut à Jacques Pichon qui est toujours au pied ou dans les arbres de Dordogne, nous avons beaucoup « décôné » et « glandé » ensemble entre 1983 et 1990.
Pendant plusieurs années se succèdent saisons de récoltes et voyages.

En 1987, je suis contacté par José Braz que j’avais rencontré en 1983 dans d’autres circonstances. Il me propose de participer à une formation de taille d’arbres qu’il anime à Fondettes. La formation est succincte elle dure 2 mois. J’y rencontre Loez Bricet et André Buet deux autres bretons que je vais côtoyer pendant longtemps mais on ne le sait pas encore. J’y apprends à couper correctement une branche (Shigo) et surtout un respect pour l’arbre : merci José !

La formation se termine en juin, en août je repars en récolte. La nuit du 15 au 16 octobre, je dors dans le gîte que nous louons, moi et mes collègues de récolte, près de la forêt d’Abreschviller en Moselle. Pendant ce temps une tempête dévaste la Bretagne. Elle arrache et casse un grand nombre d’arbres. Le reste de la France connaîtra la même chose en 1999. Cette tempête marquera le début d’une prise de conscience en Bretagne : « un arbre peut être fragile et donc dangereux ».
Je rentre en Bretagne pour les fêtes de fin d’année. Les urgences ont été faites, les routes et les bâtiments sont dégagés. Restent les grands blessés.

En janvier 1988, je m’occupe de la « restauration » du cyprès
au centre de mon village d’enfance : Trébeurden.
Le premier arbre qu’on me confie. Le journal local y consacre un article.
Ma carrière dans le Trégor est lancée. L’arbre est toujours là,
il est classé « arbre remarquable ».

Dès le début 88 je me trouve confronté à des demandes auxquelles je ne sais pas répondre. Que faire d’arbres encore jeunes, potentiellement grands et ne pouvant se développer sans poser de problèmes. L’exemple type : le cèdre bleu de 25 ans planté à 4 mètres du pavillon, mais en Bretagne il y a aussi beaucoup des pins radiata et des cyprès macrocarpa. Quoi en faire quand le propriétaire s’inquiète pour l’avenir ?
Je cherche une solution à proposer à mes clients qui soit respectueuse de l’arbre et qui résolve le problème des dimensions.

En avril 1988 je travaille pour la première fois pour Jean Laborey à Ploumanac’h. Botaniste, jardinier, voyageur. Nous nous entendons très bien. Je lui fais part de mes recherches et il me guide vers les jardins japonais. Il ne connait rien à la taille mais me décrit ce qu’il à vu là-bas et me montre des photos.
Je n’ai pas encore d’arbre à moi, mais j’ai accès aux arbres de bocage sur la ferme dont s’occupent mes parents. Je commence mes premières expériences sur des chênes, aubépines, saules, châtaigniers et hêtres. L’idée : lier l’esprit de la tradition japonaise (contrôle des dimensions, travail des formes) aux connaissances et exigences de l’arboriculture moderne (respect des fonctions vitales).

En 1990 je fais ma dernière récolte « Assez décôné !!! » et mon dernier grand voyage. Au Brésil j’ai pris conscience que le tourisme est une grande source de pollution. Je ne voyagerai plus qu’« utile ». Je soigne mon empreinte carbone.
En 1991 je rencontre celle qui deviendra « ma femme ». En 1993 nous cherchons une maison. Je veux aussi un terrain avec déjà des arbres pour expérimenter mes tailles.
En 1993, je commence à suivre les formations de l’ « Atelier de l’arbre ». Je les suivrai presque toutes.
En 1997, je vais au Japon avec la SFA et je vois enfin le travail, que j’ai commencé depuis 10 ans, aboutit, sur des arbres taillés depuis plusieurs dizaines d’années voir un ou plusieurs siècles.
En 1999, mon jardin a progressé, le travail de taille commence à faire son effet. On me propose de participer à l’APJB (Association des Parcs et Jardins de Bretagne). Le jardin se visite.
En 1999, José me demande aussi de venir parler de mon travail aux élèves du CS à Fondettes. Je le ferai jusqu’en 2016 année où mes interventions s’arrêtent, faute de budget.
J’interviendrai aussi à Angers pendant plusieurs années avec la même fin.
J’interviens toujours à Pontivy et à Hanvec.

En 2000, j’écris un courrier au paysagiste Gilles Clément pour lui présenter mon travail. J’ai été beaucoup marqué par son livre « le jardin en mouvement » au début des années 90. Alors que dans ce livre il n’est question que d’herbacées et que je ne travaille qu’avec des ligneux, je me sens en plein accord avec cette idée de jardinage. Gilles Clément me confirme que ma façon de tailler permet de faire entrer les ligneux dans l’idée du « jardin en mouvement ».
En 2002, Jac Boutaud me propose qu’un chapitre de son livre « La taille de formation des arbres d’ornement » aborde mon travail. Il faut trouver un nom pour démarquer ces arbres taillés des autres. Ce sera : « arbres jardinés ». En japonais : « niwaki » (niwa=jardin ; ki=arbre)
Plusieurs organismes me demandent des formations : Séquoia (ça ne se fera jamais), le CNFPT, la chambre des métiers. Il me faut un cours !!!
Comment parler de taille ? La taille des arbres, des arbustes ? La taille des bambous, des rosiers, des fruitiers ? L’éclaircie, la réduction ? Les tailles architecturées, les topiaires, les arbres jardinés ?
Je cherche un moyen de parler de tout ça.
Le vocabulaire des botanistes est complexe. Les textes sont difficiles à suivre. J’enseigne à des jardiniers, des grimpeurs, pas des ingénieurs.
En 2004, je découvre le livre de Francis Hallé « Architecture de plantes », livre de dessins.
Le dessin !!! Mais je n’ai jamais dessiné.

En 2005, je suis délégué régional (ouest) de la SFA, avec les copains de la région nous organisons les rencontres nationale à Suscinio près de Morlaix. Tout est super jusqu’à l’arrivée des concurrents le samedi matin. Ensuite c’est la catastrophe !!! Le plus mauvais souvenir de ma vie auprès des arbres. Sept années de travail associatif « piétinées » par une bande de barbares. Le lundi matin la presse locale nous traite de vandales. Quelques semaines plus tard l’association est dissoute, le directeur du parc démissionne et le parc est fermé. Tant de bénévolat pour ça, plus jamais !!! Christian Pagnies me dit : « tu as fait rentrer un troupeau d’éléphants dans un magasin de porcelaine ». C’est une insulte pour les éléphants.

Entre mes chantiers et mes cours, grâce à mon ordinateur, j’écris et je dessine. Je m’appuie sur les modèles architecturaux décrits par Francis Hallé et ses collègues pour faire un descriptif de gestes de taille d’éclaircie et de réduction. Quand je pense mon cours abouti, je demande à Francis Hallé que j’ai rencontré plusieurs fois de bien vouloir me corriger. Ce cours est devenu un livre édité en 2012.
Il est le cœur des formations courtes que j’anime pour la chambre des métiers de Bretagne et le CFPPA « le gros chêne » de Pontivy dans mon jardin à Perros Guirec, et pour le CNFT dans différents lieux.

Au printemps 2015, je suis retourné au Japon avec l’association « COPALME », Laurent Pierron et Sébastien Béni d’Hévéa.
À l’automne 2015, j’ai reçu Kenji Sasakuma maître jardinier intervenant à l’ancien parc impérial de Tokyo et deux de ses collègues. Nous avons animé plusieurs journées de démonstration en Bretagne.

Le plus beau compliment que m’ai fait Kenji a été de me confier les démonstrations de tailles lors de ces journées. « Je ne ferais pas mieux » m’a-t-il dit.

« Claude je vois le vent à travers tes arbres. »

Taille de chênes vert sur bande centrale :

chenes verts sur bande centrale

Taille de pins insignis (hauteur 25 m) au jardin de la Ballue (35) :

pins insignis 25m jardin ballue