Portrait en abécédaire de Jérémie Thomas, le bourlingueur des houppiers.
Administratif : Jérémie Thomas – 33 ans – né à Marseille – sans enfant – arboriste.
Bertin : Damien. On a tous été introduit à ce métier par une personne, quelqu’un qui nous a servi de modèle, qui nous a donné notre chance et a eu la patience d’assister à nos laborieuses premières pérégrinations arboricoles, pour moi c’était Damien Bertin.
Canada : ma première expatriation. Je travaillais à l’ouest de l’île de Montréal, dans les banlieues huppées anglophones. Mon premier hiver aussi : comment pitcher la poche (lancer le sac) quand il fait -25° ?
Down under : l’affectueux surnom de l’Australie, j’ai travaillé principalement à Melbourne. J’y retourne souvent, la communauté des grimpeurs là-bas est vraiment top moumoute, le métier d’arboriste est reconnu et bien rémunéré, les australiens conscients de leur patrimoine arboré.
Eucalyptus : je pourrais dire que j’aime les arbres en général. J’aime aussi l’eau, le hockey sur glace, boire du café, être sur l’autoroute la nuit. Bref, si les arbres me touchent, les eucalyptus me fascinent. Leur silhouette, leur taille, leur odeur, leur écorce, je les aime vraiment et de façon inconditionnelle.
Forêt : j’ai commencé comme bûcheron à 18 ans. Dur mais formateur. Puis j’ai travaillé pour l’administration forestière. Un peu ennuyeux. J’ai passé mes diplômes forestiers dans la foulée (BTA et BTS).
Grands arbres : les séquoias californiens, les eucalyptus de Tasmanie, les kossipos africains. Je consacre beaucoup d’énergie pour me donner la chance de grimper les plus grands arbres au monde. C’est un challenge à chaque fois, de trouver les arbres, d’y accéder, mais aussi d’y grimper.
Hambourg : je passe une grande partie de l’hiver à Hambourg, c’est la saison des démontages (pas d’abattage l’été pour cause de nidification). C’est un peu ‘the place to be’ du moment pour les arboristes, il fait froid, il pleut mais on s’amuse bien.
ISA : International Society of Arboriculture. C’est une grosse machine, pas exempte de défauts, mais j’aime leurs publications et leur engagement, je pense que ça va dans le bon sens.
Jura : c’est l’endroit où je suis quand je ne suis pas en train de travailler. J’ai acheté une vieille maison au bord d’une rivière. Tout est à refaire, je ne savais pas par où commencer, alors ma première action a été de planter des eucalyptus.
Koala : l’élagage ça mène à tout. Décrocher des avions, marquer des rapaces, collecter, mesurer ou … attraper des koalas, sans doute le job le plus inattendu que j’ai fait.
Let this one run : j’aime la psychologie complexe de l’arboriste. ‘Let this one run’ (laisse filer celle- là), la phrase que tu lances en démontage à ton homme de pied pour qu’il dynamise ce billon définitivement trop gros pour ce délicat petit jardin. Une philosophie à part entière.
Mt.arborist : je reviens en Europe en 2010 et je crée mon entreprise : mt.arborist. Mes seuls clients sont d’autres entreprises d’élagage. Je n’aime pas vraiment le côté commercial du boulot et ne suis pas très brillant pour ‘vendre’ aux particuliers.
Nouvelle-Zélande : j’y suis resté 1 an et demi, j’y ai fait des boulots très différents, travailler pour Asplundh, la plus grosse boite d’élagage au monde (+ de 28 000 employés) ou pour les arbres soignés du Botanical Garden de Christchurch. Mais l’expérience la plus marquante restera la récolte de cônes dans les forêts primaires de Kauris (Agathis australis), des arbres couverts d’épiphytes qui font une cinquantaine de mètres de haut, plus de 5 mètres de diamètre et qui sont âgés de plus de 1000 ans.
Orme : au Canada comme en Scandinavie, le froid a contenu la graphiose pendant un temps. Réchauffement climatique ou adaptation, désormais les ormes séculaires succombent en quelques semaines. C’est toujours difficile d’abattre des arbres que l’on a essayé de sauver.
Professeurs : plus que dans n’importe quel autre job, ils sont essentiels pour progresser, servir de modèle, parfois rassurer, parfois brasser. Pour ma part, en France, je citerai Salim Annebi, Nathanaël Gros, Laurent Pierron (j’ai cité les mêmes que Sandra, non ?)
Quête d’arbres : l’association que j’ai créée avec Laurent Pierron. En fait, c’est EnQuête d’Arbres. On fait de l’accompagnement et de la formation pour les scientifiques, ça occupe pas mal de temps, il y a beaucoup de projets, on ne sait pas trop où ça nous emmène, mais on y va en courant.
RNA : je ne peux pas dire que je brille vraiment en compétition, mon style est un peu lourdaud et pas vraiment gracieux, mais j’aime beaucoup participer et y assister. J’aime bien voir les grimpeurs (quel que soit leur niveau) pousser leurs limites, essayer des choses, que ça rate ou que ça marche. Il y a souvent beaucoup d’émotion et c’est très formateur.
Stockholm : durant l’été, je bosse à Stockholm en Suède, à essayer de soigner les derniers ormes d’Europe. J’aime beaucoup l’été en Suède. Les journées sont immenses et j’adore faire de la voile sur la Baltique dans l’archipel de Stockholm.
Tous dehors ! : impossible désormais de m’imaginer dans un métier où je ne serais pas dehors. La pluie d’hiver plutôt que le chauffage au sol, les chaleurs d’été plutôt que le ron-ron du climatiseur.
Unité : j’aurais parlé de communauté, mais j’ai déjà utilisé mon ‘c’. C’est un pan de notre profession qui me plaît vraiment. Il y a bien sûr des divergences, mais en France ou ailleurs, il existe un lien entre les élagueurs, de l’estime, de l’amitié et du respect.
Vert-Tiges : c’est la boîte qui m’a donné ma chance et mon premier emploi. On a tant de choses à apprendre après le CS. Jean-Marie Vieille et sa passion (fougueuse) a influencé et l’a transmis à de nombreux grimpeurs français.
Web : www.mtarborist.com – www.enquetedarbres.org
X : rien à déclarer
Y : comme le chromosome que l’on retrouve chez 95 % des arboristes… Ce portrait succède à celui de Sandra Albrecht, néanmoins je regrette que les femmes ne soient pas plus nombreuses dans la profession.
Zapfenpflücken : je ne pensais pas trouver un ‘z’ aussi facilement, zapfenflücken = récolte de cône. Ma fin de l’été est occupée par la cueillette des cônes en Allemagne. Vivre dans la forêt entre amis, travailler tous les jours de la semaine, jusqu’à la nuit, être couvert de résine, faire la cuisine sur le feu, ne pas se laver, pas de téléphone, pas d’internet… retour à la vie sauvage. J’adore !