Portrait d’Olivier Gilg – La phénologie : l’étude des arbres pour comprendre le réchauffement climatique

J’ai 36 ans et je suis originaire du Gard. Je travaille à Institut National de la Recherche et de l’Agronomie (INRA) d’Avignon depuis 10 ans comme technicien forestier.

Mon cursus scolaire m’a amené à suivre des études professionnelles spécialisées en exploitation forestière, pour conclure, non sans mal, avec l’obtention du BTS Gestion forestière

J’ai été bûcheron dans une petite entreprise d’exploitation forestière puis j’ai intégré l’INRA, il y a 10 ans, après avoir réussi le concours national d’entrée.

J’étudie le réchauffement climatique et les changements globaux grâce à la phénologie, un outil aux services des forestiers et des scientifiques … à la cime des arbres, au plus proche du vivant.

Je suis Olivier GILG.

J’ai appris à grimper dans les arbres lors d’un stage de déplacement dans les grand arbres avec Laurent Pierron d’Hévéa formations dans le parc d’acclimatation de la Villa Thuret au cap d’Antibes. Avec mes collègues, nous avons découvert les techniques de grimpe des arboristes grimpeurs. J’ai alors pris conscience que nos anciennes méthodes de travail étaient dépassées. Trois jours de bonheur ! Nouvelles méthodes de travail, matériel plus léger, plus d’efficacité …

Une partie de mon travail consiste maintenant à grimper dans les arbres et observer au plus proche le vivant et la feuillaison des arbres… Je me sert d’une grille de codification de 0 à 19 pour noter les différents stades de feuillaison de l’arbre. Par exemple le code 0 correspond est au stade de dormance hivernale du bourgeon, le code 10 correspondant au stade où les premières feuilles du houppier apparaissent etc …

Je parcours le grand Sud de la France, des Pyrénées Atlantiques aux Alpes Maritimes. Le rêve pour étudier les forêts magnifiques et spécifiques de la méditerranée.

Depuis la canicule de 2003, les peuplements forestiers de l’arrière-pays méditerranéen ont connu de forts dépérissements, inquiétant par la même les forestiers gestionnaires.

Depuis cette date sombre, les forestiers et les scientifiques ont voulu étudier ces phénomènes et en suivre les évolutions sur du long terme.

D’un commun accord, ils décidèrent de se focaliser sur un facteur permettant d’obtenir des dates précises comparables et surtout liées au climat local : c’est ce que nous appelons la phénologie.

La phénologie désigne, au sens large, l’ensemble des particularités morphologiques du cycle de développement d’un être vivant, avec mention des époques de l’année correspondante.

Pour les végétaux, c’est l’étude des relations entre les phénomènes climatiques et les caractères morphologiques externes de leur développement.

Par développement, on entend toute modification qualitative dans la forme de la plante. On appelle cela des repères phénologiques. Par exemple, le débourrement (feuillaison), la croissance, la floraison, la fructification ou encore la senescence (coloration automnale des feuilles).

Le travail de terrain va donc consister en l’observation de ces repères et d’en apprécier leur évolution en rapport avec une norme de notation internationale, permettant la mutualisation et l’ harmonisation des données ainsi observées et obtenues.

Au niveau scientifique, c’est la norme BBCH qui a retenu l’attention. Le sigle BBCH est l’abréviation pour Biologische Bundesanstalt, Bundessortenamt et CHemische Industrie.

Cette échelle décimale sert à la codification des stades phénologiques, et elle est divisée en stades de développement. Pour toutes les espèces, on utilisera le même code pour un stade phénologique donné.

Une description détaillée définit chaque code où des critères morphologiques faciles à reconnaître sont utilisés pour décrire les différents stades phénologiques.

Certains codes se voient agrémenter d’une note secondaire, qui est là pour donner une idée sur la quantité. Par exemple, des pourcentages : 30% de fleurs ouvertes indiquent tous le même stade secondaire 3.

Mise en place d’un dispositif expérimental et son suivi : le Mont Ventoux, un laboratoire à ciel ouvert !

L’Unité Expérimentale Forestière Méditerranéenne (UEFM) basée à Avignon a été mandatée pour suivre l’évolution des peuplements forestiers dans l’arrière-pays méditerranéen.

Le massif forestier du Mont Ventoux a été sélectionné car c’est un site d’étude depuis de nombreuses années concernant la dynamique des peuplements naturels avec en plus un gradient altitudinal qui offre des variabilités de stations intéressantes et contrastées.. Nous disposons déjà d’une base de données importante particulièrement sur le hêtre et le sapin pectiné.

Sur le terrain, nous avons installé 2 transects allant de 900 à 1 500 mètres d’altitude avec 150 arbres qui sont suivis une fois par semaine. Le travail s’étale sur toute la saison de végétation de fin mars à début novembre.

L’observation de la phénologie se fait donc à l’œil par un pôle de techniciens forestiers grimpeurs spécialisés dans ce genre de mesures et d’observation.

Une qualité indéniable du profil est de savoir grimper dans les arbres en toute sécurité et d’être rigoureux. Ce travail demande que les notateurs soient toujours les mêmes et qu’ils opèrent en binôme sur les mêmes arbres. Il est important, pour avoir un jeu de données fiables, que les notateurs connaissent et suivent l’évolution sur la saison complète.

Ce site procure donc un jeu de données énorme pour la compréhension de l’évolution adaptative des espèces.

Et alors, ça donne quoi ??? Quelques résultats …

Le site du Mont Ventoux est maintenant suivi depuis plus de 10 ans en phénologie.

Les données du Ventoux sont partagées avec de nombreux partenaires scientifiques comme le CNRS ou encore l’observatoire des saisons qui en ont fait une base de données consultable.

Nous pouvons d’or et déjà annoncer qu’il y a un allongement de la saison de végétation. C’est un point positif car il a pour effet d’augmenter les capacités de mises en réserves de nutriments par les arbres.

Malheureusement, ce point positif est vite effacé par de nombreux points négatifs.

On note :

– Une augmentation des risques de dégâts de gel

– Une précocité du stress hydrique.

– Une diminution de la résistance au froid en hiver.

Ces points néfastes cumulés peuvent entrainer une remontée en altitude des étages de végétation. On remarque par exemple en moyenne une remontée significative de 66 mètres.

Un scénario futuriste prévoit même une remonté de latitude des essences forestières lié directement aux effets du stress hydrique, principal acteur du dépérissement.

Pour le site de l’INRA de la région PACA cliquez ici

Pour le site de l’observatoire des saisons cliquez ici