Chantier du mois : démontage de 7 pins à la Villa Médicis

En ce début d’année 2017, à nous arboristes grimpeurs ardéchois, une chance incroyable nous a été donnée : nous avons eu le privilège de grimper les plus beaux et les plus vieux pins de la VILLA MEDICIS. Etablie au sommet du Mont PINCIO à ROME, elle héberge depuis 1803, l’Académie de France. Au début du 19ème siècle la France a souhaité acquérir un nouveau palais pour y installer de manière plus confortable la représentation de l’art français à l’étranger.
Les célèbres jardins, présents depuis l’Antiquité, possèdent sept hectares de plantations, pins parasols, orangers et chênes verts, introduits sous la direction d’Ingres il y a 200 ans.

Suite à la chute d’un de ces vieux arbres, un diagnostic a dû être établi qui fit état d’un délabrement sanitaire avancé de sept pins parasol (pinus pinea) qui devraient être abattus, bien à regret.
Lorsque Sylvain RISTORI, notre ami artiste m’a parlé pour la première fois du projet, j’étais loin d’imaginer l’ampleur du chantier. Je me rendis compte de l’opportunité qui s’offrait à nous : la chance de pouvoir travailler dans ce lieu hors du commun, sur un projet qui avait une ampleur historique et un aspect artistique intéressant puisque Sylvain devrait réaliser une œuvre d’art à partir des troncs restants.

Rapidement après avoir vu quelques photos des arbres nous nous réunissons avec mes acolytes arboristes: Florian Bressi, Guénaël Buvry et Stephan Van der Linden. Nous estimons pouvoir démonter les sept arbres en quatre jours à quatre personnes, sachant que l’évacuation serait prise en charge par l’entreprise d’élagage qui s’occupe habituellement du parc.
Une fois le devis accepté, nous contactons Hévéa pour leur faire part du projet.
Ils acceptent de participer et de nous soutenir en complétant notre équipement et en nous prêtant du matériel.
Deux semaines plus tard nous partons pour Rome, le camion rempli de cordes, de tronçonneuses et d’enthousiasme.

En arrivant à la Villa, la renommée du lieu, la majesté des arbres bicentenaires, l’atmosphère remplie d’histoire se fait sentir et nous impressionne.
Dans le parc, nous restons bouche bée devant l’ampleur et la hauteur des arbres. Les sujets sont bien plus imposants que sur les photos. Nous constatons tout de suite qu’il est impossible de réaliser le chantier dans le temps imparti. Nous en faisons part à la direction qui, après négociation, nous octroie trois jours supplémentaires.

Le lendemain nous commençons les sept démontages les plus impressionnants de notre carrière.

Le premier arbre fait trente-cinq mètres de haut. Son tronc massif se divise en trois charpentières torturées et s’ouvre en un houppier très large, purgé de bois mort.
C’est un vrai plaisir de grimper, avec une vue imprenable sur Rome.
Pour démonter les arbres, les contraintes au sol sont nombreuses : végétation protégée, statues omniprésentes et bâtiments très proches. Tout doit se faire en rétention. Nous grimpons alors à deux dans l’arbre, chacun d’un côté pour faire descendre le houppier branche par branche.
A la fin de cette première journée pluvieuse, stressante et fatigante nous pouvons enfin découvrir la villa et son environnement. Nous sommes logés dans des dépendances au cœur du parc. Une ambiance unique habite cet endroit où nous sommes en contact avec les artistes, le personnel sur place ainsi que la direction.

Le lendemain, nous atteignons les limites des cordages. Le tronc est trop large et même avec deux élingues en dyneema, il est impossible de retenir des billons de plus d’un 1.50m. Finalement, nous arrivons au bout de ce premier arbre, mais il nous faut trouver une solution pour finir le chantier dans les délais. L’entreprise italienne nous propose alors d’utiliser leur camion-grue, engin léger et étroit permettant d’accéder sans impact entre les haies et plantations diverses des jardins de la villa.

Nous devons intervenir ensuite sur l’arbre le plus emblématique et le plus imposant de la Villa. La presse, les résidents et quelques invités exclusifs assistent au démontage. C’est une pression supplémentaire qui nous accompagne dans l’abattage de cet arbre. Il ne nous faut pas moins de seize heures pour venir à bout de ce pin.
Drones, photographes et journalistes immortalisent ce moment historique pour plusieurs journaux français et italiens.

Les arbres suivants sont démontés sans encombre même si la fatigue s’accumule. C’est avec une réelle émotion que l’ultime bille de pied est coupée. Très vite à la fin du chantier, nous partons retrouver nos vies ardéchoises en espérant revivre un jour une aventure aussi atypique.

Jérémie Buvry – SEVE Elagage

seve-elagage-ardeche.com